Temps et fréquences
Jusqu’en 1967, la seconde, qui constitue l’unité de base du SI dans le domaine du temps et des fréquences, relevait de l’astronomie. En effet, jusqu’en 1956 l’unité de temps était définie par rapport à la rotation de la Terre, puis entre 1956 et 1967, du fait de l’irrégularité du mouvement de la Terre, elle a été rattachée au mouvement de translation de la Terre autour du Soleil (temps des éphémérides). Toutefois, malgré la régularité de cette translation, la stabilité à long terme était insuffisante (quelque 10-9). C’est pourquoi, en 1967, lors la 13e Conférence générale sur les poids et mesures (CGPM), une nouvelle définition a été adoptée. Cette dernière, qui est toujours d’actualité, met à profit une transition micro-onde, de fréquence 9,192 631 770 GHz, entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133 (133Cs).
En France, le LNE-SYRTE (Système de Référence Temps-Espace) à l'Observatoire de Paris est le Laboratoire National de Métrologie (LNM) pour le domaine du temps - fréquences.
Des études spécifiques sont aussi réalisées par le LNE-INM (Institut National de Métrologie) au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
En outre, deux laboratoires situés à Besançon, le département LPMO (Laboratoire de Physique et Métrologie des Oscillateurs) du LNE-FEMTO-ST (Franche-Comté Electronique, Mécanique, Thermique et Optique - Sciences et Technologies) et le LNE-OB (Observatoire de Besançon), sont associés au LNE pour les étalonnages et le raccordement dans le domaine du temps et des fréquences.
En 1982, dans le cadre de la politique scientifique du Bureau National de Métrologie (BNM) dont les missions ont été transférées au LNE en 2005, il a été décidé de réaliser, un étalon primaire de fréquence de laboratoire à jet thermique d’atomes. Depuis cette réalisation, des méthodes permettant de refroidir et de confiner des atomes à l'aide de lasers sont apparues, et ont valu l’attribution du prix Nobel de physique 1997 au français Claude Cohen-Tannoudji ainsi qu’aux Américains Steven Chu et William D. Phillips. Ces méthodes de refroidissement ont permis le développement d’étalon de fréquence à atomes froids.
JPO est l'étalon primaire de fréquence qui utilise un jet thermique d'atomes de césium pompés et détectés optiquement. C'est le premier étalon de laboratoire conçu en France.
Son principe de fonctionnement est le suivant : un four produit un jet d'atomes de césium contenant presque autant d'atomes dans les deux niveaux de l'état fondamental du césium. Grâce à un faisceau laser, dont la longueur d'onde est adaptée à une des transitions de l'atome de césium, et à un champ magnétique statique, les atomes sont distribués dans les différents sous niveaux Zeeman du premier niveau hyperfin de l'état fondamental du césium.
Ces atomes traversent alors la cavité de Ramsey qui est en guide d'onde en forme de U, où deux cavités sont séparées par une certaine distance. Dans ces cavités règne un champ micro-onde (créé par un générateur), dont la fréquence ajustable est fournie par un oscillateur à quartz. Ce champ micro-onde va permettre d'exciter les atomes de la transition hyperfine. A la sortie de la cavité de Ramsey, les atomes entrent dans la zone de détection où ils sont soumis à un faisceau laser accordée sur une transition particulière de l'atome de césium. Les atomes ayant effectuée la transition micro-onde vont alors subir un grand nombre de cycle absorption-émission, et ainsi émettre par fluorescence des photons qui seront détectés. La fréquence de l'oscillateur à quartz est modifiée jusqu'à ce que l'amplitude du signal de détection soit maximale. L'exactitude de JPO est évaluée à 6,3 10-15 ce qui le classe parmi les meilleures de sa catégorie, et sa stabilité, donnée par l'écart type d'Allan, est de σy=5 10-13t-1/2, soit la meilleure performance des étalons à jet.
L’étalon primaire de fréquence JPO
Le principe des fontaines atomiques est le même que celui de l'étalon JPO à l'exception que les atomes sont confinés dans l'espace formant une mélasse optique, c'est à dire qu'ils sont refroidis par six faisceaux lasers concourants accordés sur une fréquence légèrement inférieure à celle d'une transition cyclante servant au refroidissement. Cette méthode, qui consiste à réduire le plus possible la vitesse d'agitation thermique, permet d'obtenir une meilleure stabilité à court terme et surtout une meilleure exactitude. A l'aide des faisceaux lasers verticaux désaccordés symétriquement, les atomes sont ensuite lancés vers la cavité où règne le champ micro-onde dont la fréquence est fournie par un oscillateur cryogénique à résonateur en saphir asservi sur un maser à hydrogène. Sous l'effet de la pesanteur, les atomes repassent alors une seconde fois dans la cavité, puis les atomes ayant effectués la transition sont détectés.
Fontaine atomique
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Le LNE-SYRTE dispose de trois fontaines atomiques nommées FO1, FO2 et FOM. En 1995, FO1 était le premier étalon à atomes froids de césium dans le monde à délivrer un signal avec une précision ultime.
FO2 est une fontaine double pouvant fonctionner avec deux atomes différents (césium 133Cs et rubidium 87Rb dont la fréquence de la transition hyperfine est 6, 834 682 613 GHz). L'intérêt de pouvoir bénéficier d'une fontaine double est de rechercher une éventuelle variation avec le temps de la constante de structure fine α qui caractérise l'intensité de l'interaction électromagnétique à faible énergie.
Enfin, FOM est une fontaine mobile issue du prototype de l'horloge spatiale PHARAO testé en gravité zéro.
Les exactitudes de ces fontaines atomiques sont de l'ordre de 5 à 7.10-16.
Fontaine mobile FOM
Fontaine atomique
Depuis 1967, une échelle de temps est réalisée par des horloges atomiques à atomes de césium qui, comme les étalons de fréquence, génèrent la seconde du SI.
Ainsi, le Temps Atomique International (TAI) est la coordonnée de repérage temporel établie par le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM) sur la base des indications d'environ 250 horloges atomiques fonctionnant dans une cinquantaine d'établissements, conformément à la définition de la seconde.
Toutefois, en dépit de ses qualités métrologiques, le TAI ne peut être directement diffusé. C'est pourquoi, au TAI est attaché le Temps Universel Coordonné (UTC), qui en diffère d'un nombre entier variable de secondes, choisi pour que l'écart entre le UTC et le temps astronomique (UT1), qui est basé sur la rotation de la Terre, soit dans les limites de ± 0,9 s. Depuis le 1er janvier 2006, 23 secondes intercalaires ont été introduites, conduisant ainsi à un décalage de 33 secondes entre le TAI et l'UTC. Néanmoins, le UTC est une échelle de temps papier qui n'est disponible qu'en différée (elle est calculée à l'aide d'un algorithme avec trente jours de retard). Une réalisation physique en temps réel de l'UTC est établie par les LNM, c'est l'UTC(k), k étant l'acronyme du laboratoire.
En France, deux références de temps sont établies par le LNE-SYRTE.
- L'une est la référence de temps légal UTC(OP) (OP pour Observatoire de Paris) qui est matérialisée par la plus stable (par étude de la stabilité à long terme dans le passé) des sept horloges à césium commerciales (Horloges de type HP 5071 A, tube haute performance) entreposées, dans une salle climatisée, au sous-sol d'un bâtiment de l'Observatoire de Paris.
- L'autre, le Temps Atomique Français TA(F), qui vise des qualités de stabilité et d'exactitude, est la référence de temps scientifique qui est établi à partir de plusieurs horloges : horloges commerciales situées au LNE-SYRTE et celles situées dans huit autres laboratoires français, soit vingt cinq horloges au total. Ces horloges fonctionnent librement, c'est à dire en accord avec les recommandations de fonctionnement du constructeur et sans correction volontaire de fréquence.
L'objectif de UTC(OP) est de rester à ± 100 ns de UTC quitte à dégrader sa stabilité à un mois, alors que celui du TAF est de fournir un signal avec la meilleure stabilité à un mois.
Diffusion de UTC(OP)
Suivant l'exactitude recherchée, UTC(OP) est disponible par différents moyens :
- Pour une exactitude de 20 ms en France métropolitaine, UTC(OP) est accessible via l'horloge parlante de France Telecom. La première horloge parlante au monde a été inaugurée le 14 février 1933 à l'Observatoire de Paris. Depuis, trois autres horloges parlantes se sont succédées et la dernière, mise en service le 18 septembre 1991, est totalement électronique. Pratiquement, la diffusion de l'heure est sécurisée par un ensemble de quatre horloges parlantes (chacune se composant d'une horloge et d'un "générateur d'annonces") contrôlées par un comparateur.
Salle d'exploitation du temps
- Pour une exactitude de 1 ms en France métropolitaine, UTC(OP) est diffusé depuis 1982 par encodage sur l'onde porteuse de France Inter dont l'émetteur grandes ondes (environ 162 kHz) est situé à Allouis dans le Cher. Pour capter l'heure qui se glisse dans le signal de la station de radio, il faut un récepteur décodeur qui est étalonné en fonction du lieu de son implantation.
- Pour une meilleure synchronisation que la milliseconde, l'utilisateur peut accéder à UTC(OP) par la réception de signaux horaires par GPS ou par LORAN-C. Le GPS (Global Positioning System) est un système dont la fonction première est le positionnement mais qui sert aussi à la diffusion du temps et à la comparaison d'horloges atomiques. Le système GPS repose sur une constellation de 24 satellites NAVSTAR situés sur des orbites à 20 200 km d'altitude sur 6 orbites planes inclinées chacune à 55°. Chaque satellite embarque une horloge atomique permettant d'émettre un signal horaire très précis. Le LORAN-C (Long Range Navigation) est un système de portée moyenne, basé sur l'émission d'ondes de sol à basses fréquences. Il est composé de 34 chaînes essentiellement implantées dans l'hémisphère nord, chaque chaîne comprenant une station maître et des stations secondaires (jusqu'à cinq stations).
Les deux laboratoires associés, le LNE-OB et le LNE-FEMTO-ST/LPMO, mènent des activités d’étalonnages et de raccordement dans le domaine du temps et des fréquences.
Ainsi, le LNE-FEMTO-ST/LPMO mène des activités d’étalonnages accréditées qui couvrent les mesures de bruit de phase, pour des fréquences allant jusqu’à 18 GHz, et celles de stabilité court terme des oscillateurs, pour des fréquences comprises entre 5 MHz et 1 GHz. Le LNE-OB intervient sur l’analyse statistique du comportement des oscillateurs et des différents types de bruit qui les affectent, sur les transferts de temps et de fréquence par liaison GPS en vue commune et sur la diffusion des références nationales de fréquence. Le LNE-OB dispose par ailleurs de trois horloges à Césium commerciales (Horloges de type HP 5071 A) qui participent à l’élaboration des échelles de temps nationale et internationale.