Le futur du SI
Les grands défis de la métrologie fondamentale : le système international d’unités (SI) et les constantes fondamentales
Depuis plusieurs dizaines d'années, de nombreuses découvertes associées à de nouvelles technologies principalement en physique quantique, ont initialisés des changements importants dans le domaine de la métrologie, et particulièrement pour la métrologie plus fondamentale.
Actuellement le SI est constitué de sept unités de base : le mètre (m), le kilogramme (kg), la seconde (s), l'ampère (A), le kelvin (K), la candela (cd) et la mole (mol). Toutefois, même si les sept unités sont présentes, certaines des grandeurs correspondantes à ces unités ne sont pas totalement indépendantes. Ainsi, la longueur est directement reliée au temps par une constante fondamentale, la célérité de la lumière c, constante fixée à 299 792 458 m/s, lors de la dernière définition du mètre en 1983.
Les évolutions de la physique moderne, la réalisation pratique des expériences pour la détermination de ces grandeurs et l'expérience acquise devraient conduire dans les prochaines années à une transformation du SI.
L'orientation actuelle serait de relier directement les unités actuelles du SI à certaines constantes fondamentales. Différentes propositions sont actuellement en discussion. En tout état de cause, un nouveau système d'unités, quel qu'il soit, devra former un ensemble cohérent, et avec une mise en pratique de chaque définition pour permettre le transfert vers les utilisateurs et assurer la traçabilité au SI de toutes mesures.
Quelles voies possibles pour un nouveau SI ?
Source laser de référence
Le mètre est la première unité pour laquelle un lien direct avec une constante fondamentale a été établi,
la célérité de la lumière c qui a donc à présent une valeur exacte. La mise en pratique se fait par la réalisation de sources lasers stabilisées, et dont la longueur d’onde est mesurée par rapport à l’unité de temps. La liste des sources recommandées pour «la mise en pratique du mètre» est régulièrement examinée et actualisée par la CGPM.
Etalon de masse
Le kilogramme est la seule unité définie à partir d'un artefact, masse du prototype en patine iridié sanctionné par la CGPM de 1889 et déposé au BIPM.
La masse du prototype, invariable par définition, a en pratique certainement dérivé de plusieurs dizaines de microgrammes. Le remplacement de la définition actuelle par une définition plus universelle, paraît indispensable.
Différentes voies sont à l’étude, dont les plus sérieuses consisteraient à relier le kilogramme soit à
la constante de Planck, h, soit au nombre d’Avogadro
NA.
La première voie est basée sur des expériences dites de balance du watt, qui comparent un watt électrique à un watt mécanique, et relie ainsi la masse à la constante de Planck,
h.
La deuxième voie part d’une sphère de silicium dont on connaîtrait un ensemble de caractéristiques physiques, de manière à relier la masse d’une particule élémentaire à une masse macroscopique avec suffisamment de précision. La masse serait alors définie via le nombre d’Avogadro
NA.
Notons que cette dernière expérience impliquerait aussi une modification de la définition de
la mole.
Réfrigérateur à
dilution pour les
températures en
dessous de 1K
Plusieurs méthodes sont à l'étude pour améliorer de manière conséquente les incertitudes sur la valeur de la
constante de Boltzmann, kB, et ainsi permettre de redéfinir l'unité de température thermodynamique :
le kelvin, actuellement défini à partir de la réalisation du point triple de l'eau.
La détection de résonances acoustiques d'un gaz dans une cavité, la détermination de constante diélectrique d'un gaz ou des méthodes spectroscopiques donnent la possibilité de déterminer la constante de Boltzmann avec une incertitude suffisante et ainsi de contribuer à une redéfinition du kelvin.
Réseau de jonction josephson
Les unités électriques ont bénéficié ces dernières années des progrès de la physique du solide, notamment avec la mise en oeuvre de l’effet Josephson, pour les mesures de tensions, et l’effet Hall quantique, pour les mesures de résistances, qui permettent de relier ces deux grandeurs à la fréquence, via les constantes
KJ et
RK. Toutefois, même si les phénomènes sont très reproductibles, les constantes qui leur sont liées ne sont pas connues et déterminées avec des incertitudes suffisantes.
Un autre effet quantique en cours d’étude, l’effet tunnel mono-électronique, devrait permettre de relier l’intensité de courant à la fréquence ; une loi d’ohm quantique pourrait être réalisée. De ce fait les constantes mises en oeuvre pourraient être ré- évaluées, si l’exactitude est suffisamment bonne.
Ceci permettrait de relier directement
l’ampère à la fréquence, donc à l’unité de temps,
la seconde.
La candela, reliée à la sensibilité de l’oeil humain, se ramène à un flux d’énergie ; elle peut être considérée plus comme une unité pratique. Des expériences de comptages de photons, pourraient conduire à redéfinir la candela comme un nombre de photons.
Le SI et la métrologie française
Le Comité international des poids et mesures (CIPM) et certains Comités Consultatifs du CIPM (CC) encouragent fortement les Laboratoires nationaux de métrologie à orienter leurs efforts vers une amélioration de l'incertitude de la valeur de constantes fondamentales et à mettre en place des expériences de réalisation des unités, en particulier pour les unités relatives à la masse, l'électricité, la température et la quantité de matière.
Le LNE et la métrologie française ont un rôle important à jouer dans le concert international et peuvent contribuer à de nouvelles définitions, et pour plusieurs des unités.
Actuellement des expériences sont entreprises sur les thèmes suivants :
- Le kilogramme : un projet de "balance du watt" a débuté en 2002. Un premier dispositif expérimental devrait être monté d'ici fin 2007. L'objectif est de déterminer en unités du SI la valeur de la constante de Planck h et de déterminer la stabilité de l'unité de masse par référence à des grandeurs supposées invariables telle que la constante mentionnée ci-dessus. L'incertitude espérée à terme est de l'ordre de 1.10-8 en valeur relative.
- L'ampère : deux projets sont en cours de développement pour contribuer à une redéfinition de l'ampère :
- le triangle métrologique, qui permettra de vérifier la loi d'ohm au niveau des étalons quantiques de tension (effet Josephson), de courant (effet mono-électronique) et de résistance (effet Hall quantique), une des voies possibles pour la redéfinition de l'ampère par le biais de la charge élémentaire e ;
- le condensateur calculable qui relie directement l'unité de résistance aux unités de longueur et de temps, autre moyen permettant d'établir un lien entre les unités électriques et la constante de structure fine α.
- La seconde : la seconde est définie à partir d'horloges atomiques à atomes de césium, qui travaillent à des fréquences micro-ondes (autour de 9 GHz). Une nouvelle étape dans la réalisation de l'unité de temps est l'amélioration de l'exactitude par de développement d'horloges dans le domaine des fréquences optiques (horloges à atomes neutres de Sr, d'Ag et de Hg). De telles expériences pourront améliorer de plus d'un ordre de grandeur la définition de la seconde.
- Le kelvin : la détermination de la constante de Boltzmann, kB, avec une méthode spectroscopique et un thermomètre acoustique, est le défi le plus avancé pour une nouvelle définition de l'échelle de température ; certains résultats pouvant être utilisés pour la définition de l'échelle de température aux valeurs inférieures à 1 K. Une telle expérience est en cours de développement dans nos laboratoires en collaboration avec l'Université Paris-Nord.
Ces travaux, multidisciplinaires et initialisés depuis quelques années, sont de première importance à la fois pour la communauté métrologique internationale mais également pour la recherche française.