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**Balance du Watt

Introduction

Le kilogramme est la seule unité du système international (SI) encore définie à partir d'un artefact unique, conformément à la définition qui en a été adoptée par la Conférence générale des poids et mesures (CGPM) en 1889. Il est égal à la masse du prototype international du kilogramme, étalon matériel en platine iridié, déposé au Bureau international des poids et mesures (BIPM), et dénommé .

Toutefois, même si représente l'unité de masse par définition, le prototype international n'est pas parfaitement stable, en raison de son interaction avec le milieu environnant.
Depuis 1880, trois comparaisons du prototype international à des témoins et prototypes nationaux de même nature (le prototype national français apparaît sous le numéro 35) ont été effectuées par le BIPM. Elles ont mis en évidence une dérive non négligeable entre ces éléments, dont la valeur relative moyenne en une centaine d'années est de l'ordre de 30 µg avec une dispersion de l'ordre de 100 µg.

Copyright figure : M. Girard - BIPM
Copyright figure : M. Girard - BIPM

Bien que les mesures de comparaison soient effectuées avec une grande exactitude, elles ne renseignent nullement sur les variations absolues du prototype international, dont la connaissance est conditionnée à la comparaison de ce dernier avec une grandeur invariante dans le temps.

En raison de la dépendance d'un certain nombre d'autres grandeurs (l'ampère, la mole et la candela sont définis à partir de l'unité de masse), la caractérisation du comportement du kilogramme et la proposition d'une nouvelle définition constituent un enjeu majeur de la métrologie actuelle

De nombreux laboratoires nationaux de métrologie et le BIPM ont proposé au cours des dernières décennies plusieurs voies ou méthodes possibles pour répondre à cette question.
Les plus prometteuses consistent à établir une relation entre le kilogramme et la constante de Planck, h, ou le nombre d'Avogadro NA.

A l'incitation des 20e et 21e CGPM (1995-résolution 5 et 1999-résolution 7) et afin de contribuer à l'effort international, la France a pris la décision de réaliser une expérience dite de " balance du watt " selon un principe proposé en 1976 par B.P. Kibble (NPL).

Son objectif est double :

Si cette détermination peut être effectuée avec une incertitude suffisamment faible, la réalisation conjointe de ces deux objectifs permettrait de proposer une évolution de la définition de l'unité de masse à partir d'une constante fondamentale, comme cela a été fait pour le mètre en 1983 en fixant la valeur de la vitesse de la lumière de manière conventionnelle, liant ainsi le mètre à la seconde.

Les réalisations déjà en cours de balances du watt (NPL - Royaume-Uni, NIST - Etats-Unis d'Amérique, METAS - Suisse) laissant supposer qu'il sera possible de déterminer la constante de Planck avec une incertitude de l'ordre de 1.10-8, confirment la pertinence de la méthode.

Principe de l'expérience

L'expérience consiste à effectuer la comparaison d'une puissance mécanique à une puissance électromagnétique (d'où son nom). Elle résulte d'une mesure effectuée en deux étapes: une phase statique, au cours de laquelle la force électromagnétique (force de Laplace) s'exerçant sur un conducteur parcouru par un courant et placé dans un champ d'induction est comparée au poids d'une masse étalon, et une phase dynamique où l'on détermine la tension induite aux bornes du même conducteur lorsqu'il est déplacé dans le même champ d'induction avec vitesse connue.

Phase statique

Phase statique
Phase statique

Un conducteur de longueur l parcouru par un courant I est placé dans un champ d'induction B de telle sorte que la force électromagnétique Fz (force de Laplace) s'exerçant sur celui-ci soit verticale. La force sur le conducteur, suspendu à un comparateur de masses, est compensée par le poids P d'une masse m soumise à l'accélération de la pesanteur g.

Fz = B.l.I = P = m.g

Phase dynamique

Phase dynamique
Phase dynamique

Pendant la phase dynamique, le même conducteur est déplacé dans le même champ d'induction avec une vitesse verticale V.
Une tension induite ε (égale à la variation du flux coupé pendant le déplacement) apparaît alors aux bornes de la bobine:

ε = - dΦ/dt = - B.l. (dz/dt) = - B.l.V

L'induction B et de la longueur l du conducteur restant constants pendant le temps de la mesure, la phase dynamique constitue une détermination indirecte du produit Bl.

La combinaison des relations décrivant les phases statiques et dynamiques conduit alors à une relation qui exprime l'équivalence entre puissance mécanique et puissance électrique (d'où le nom de l'expérience)

mgV= ε.I

En pratique, le courant I est déterminé par la loi d'Ohm en mesurant la chute de potentiel U qu'il provoque aux bornes d'une résistance R.

mgv = ε.U/R

Comment établir une relation entre masse et constante de Planck (h) :

Deux effets quantiques macroscopiques, issus de la physique du solide, sont actuellement couramment utilisés dans les laboratoires nationaux de métrologie pour assurer la conservation du volt et de l'ohm avec des incertitudes relatives de l'ordre de 10-9.

L'effet Josephson permet de générer des tensions quantifiées aux bornes de jonctions supraconducteur- isolant-supraconducteur soumises à un rayonnement hyperfréquence de fréquence f. Une jonction Josephson est un convertisseur fréquence tension (U = f/KJ) dont le coefficient de proportionnalité KJ (constante Josephson) s'exprime en fonction de la charge de l'électron e et de la constante de Planck h (KJ=2e/h).

De façon similaire, l'effet Hall quantique (quantification de la résistance de Hall d'un gaz d'électrons bi-dimensionnel, souvent obtenu à basse température dans des hétérostructures à l'arséniure de gallium)) fixe des valeurs de résistance proportionnelles au quantum de résistance RK (constante de von Klitzing, RK=h/e²).

La détermination des valeurs des tensions U et et de la résistance R par comparaison à l'effet Josephson et à l'effet Hall quantique permet d'exprimer la valeur de la masse m en fonction d'une combinaison des constantes KJ et RK indépendante de la charge de l'électron.


La détermination du rapport h/m est directement lié à celle de l'accélération de la pesanteur g, de la vitesse de déplacement de la bobine, V et à celle du terme A relatif à la mesure des grandeurs électriques.

Afin que l'incertitude relative sur ce rapport reste de l'ordre de 1.10-8, il est nécessaire que chacune des grandeurs mentionnées plus haut soit déterminée avec une incertitude relative de l'ordre de 1 à quelques 10-9.

Prototype de fléau pour le comparateur de force
Prototype de fléau pour le comparateur de force

Dimensionnement de l’expérience et perspective

Le dispositif expérimental en cours de développement comporte un fléau (comparateur de forces) auquel est suspendu un équipage mobile supportant d'un côté une bobine (600 tours, 270 mm de diamètre) et une masse étalon (500 g), et de l'autre côté une masse de tare. Pendant la phase dynamique, cet ensemble est déplacé solidairement (2 mm/s) selon la verticale par un dispositif de guidage actionné par une platine de translation. Un interféromètre permet à tout moment de mesurer la position de la bobine et d'asservir sa vitesse dans l'entrefer d'un circuit magnétique délivrant une induction radiale de l'ordre de 1T.

Configuration du dispositif de mesure
Configuration du dispositif de mesure.

Le projet, dont le premier prototype devrait voir le jour d’ici fin 2007, a débuté en 2002. Il nécessite des compétences variées en métrologie des masses (réalisation d’étalons de masse de transfert), de mécanique (fléau du comparateur de force, système de guidage, cuve à vide, circuit magnétique), d’interférométrie optique (asservissement en vitesse de la bobine, alignement des différents éléments), d’interférométrie atomique (réalisation d’un gravimètre absolu à atomes froids), et de métrologie électrique et magnétique (réalisation des bancs de mesures de tensions, de résistances, de courants, et la caractérisation du circuit magnétique).

Il est en conséquence le fruit des efforts de plusieurs laboratoires nationaux de métrologie : le LNE, le LNE-INM et le LNE-SYRTE. De nombreuses collaborations ont été initiées avec des universités, écoles, laboratoires (Universités de Versailles - Saint Quentin en Yvelines, Ecole nationale supérieure des mines de paris, les Laboratoires de physique de l'Université de Bourgogne et du CNAM, l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers du Centre dee Lille, le Laboratoire du génie électrique de Paris, l'Ecole Normale Supérieure de Cachan), ainsi qu'avec des LNM étrangers en particulier du Royaume-Uni (NPL), d'Allemagne (PTB) et de Suède (SP).

Circuit magnétique avec la bobine
Circuit magnétique avec la bobine

Quelques références